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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 03:54


Je suis une comptable. Pas des moutons en cas d'insomnie, non, non !
Je compte mes jours.
Depuis combien de temps ai-je contracté ce virus ? Je ne sais plus le dire. C'est trop loin, trop ancien. Un jour de vacances d'été, c'est sûr. Une sidération m'a envahie, je me souviens : J'étais vivante depuis... Je bougeais depuis... Je pensais depuis... Un épuisement de la vie, on pourrait dire.

C'est devenu non plus un compte, mais une sorte de décompte.
"Prendre les choses à l'envers. A rebrousse-poil", je me suis dit.

Compter. Comme les enfants qui disent le savoir jusqu'à cent, puis jusqu'à mille... et qui en sont fiers de cet empilement des chiffres mis en ordre. Un plus un, plus un, plus un... Les instits ont observé la difficulté du "plus un", le sens confus du "plus un". Compter, rien de plus simple ! Mais que fait-on au juste lorsque l'on colle les nombres les uns à la suite des autres ? Et là, pour les mômes, ça se complique toujours, l'analyse de la chaîne numérique rechigne à apparaître. La répétition, oui, mais le sens fait souvent la malle. Comme si l'acte d'ajouter n'existait pas, et que ce "un" demeurait indépendant de "moi" qui ne fait rien, n'agit pas, ne vit pas.

Moi, je compte, un plus un plus un plus plus... Et ça devient effrayant. Compter ne sécurise pas. Les mômes sont sans doute effrayés de la découverte du plus comme un bonus. Ils comptent et pourtant "ça" compte sans eux qui comptent, jusqu'à cent, jusqu'à mille et en sont fiers et effrayés. Moi aussi.
Tant de jours, déjà, sans savoir. 
Où s'en vont-ils ces jours ? Où sont-ils partis ? Dans quels trous certains se sont perdus à jamais ? Et pourtant j'étais là.

Alors je prends le compte à l'envers, à rebrousse-poil. 
Non plus considérer les jours tenus, vaille que vaille, mais ceux à tenir, vaille que vaille.
Encore combien de jours ? Combien de serrements de coeur ? Combien de larmes ? Combien d'enlacements ? De baisers ?
Est-ce que c'est écrit quelque part, dans un livre ?
J'entends des chuchotements qui disent que ça n'importe pas, que cela est un peu vain, une idiotie supplémentaire... N'empêche !
Une donnée sur l'organisateur du Temps. 
Je l'ouvre. 18 095 jours. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Mais ça pousse devant, dans l'inconnu de soi,  s'en va plus loin et je ne sais pas où ça finit. Une idée que j'aime bien.
Dans la foule humaine, une passante. Un personnage de roman. J'écris ma vie en même temps qu'elle m'invente, plus que moi-même parfois, tant on est rattrapé par des émotions qui débordent. Le pire qui cotoie le meilleur et l' édifie.
Des mots qui n'en finissent pas tourner sur leur axe.
Ou un phare posé sur la mer et qui bouge.
Emporte.
Emporte mes regards aux quatre coins de l'horizon, pour se fixer sur une petite guirlande multicolore sans grands éclats... Une merveille pourtant.

Savoir avec terreur que les ampoules colorées claqueront comme des langues dans une bouche trop sèche... Pas passer outre ce qui est, pour pousser la vie et calmer un peu cette foutue lucidité de ce qui sera. 
Alors, l'expression populaire que j'ai entendue trop souvent trouvera enfin son règne, celle qui faisait commençait bien des phrases par : "En fin de compte,... " et ça expliquait tout. Y'avait plus rien à dire.
Quand n'aurais-je plus rien à dire ?
Quand le décide-t-on ?
A l'envers, le Temps a plus d'amplitude.
La terreur du mal qui prendra l'autre, l'aimé, l'ami, en a une aussi. Infernale. Suffocante.
Ce mal qui a déjà tout pris.
Y'a plus qu'à finir le travail du fil aussi fin qu'un cheveu qui tient encore la vie. De la terre jusqu'au ciel...

commentaires

D
Mes nuits étant plus longues que mes jours, comment tenir le compte juste des unes et des autres ? A qui régler son compte ?<br /> beau texte;
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B
<br /> Les comptes sont en déséquilibre. Dans le rouge. Pour que demain il fasse beau.<br /> <br /> <br />
S
Il faut se dire que les jours reviennent forcément,avec un grand miracle "la lueur" à jamais éteinte.
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B
<br /> Il faut se dire... Oui.<br /> <br /> <br />
C
Cependant pas d'inquiétude... En effet, quand on aime on compte...
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B
<br /> <br /> On fait attention, oui, à ne rien ébrécher de cette porcelaine.<br /> <br /> <br /> <br />
H
Je me souviens de ce livre de Maurice Genevoix "30.000 jours". <br /> <br /> 12.000 petites ampoules encore à la guirlande multicolore, c'est pas près de s'éteindre !
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B
<br /> Je ne connais pas ce livre, mais je t' écoute volontiers, "l'avenir dure longtemps".<br /> <br /> <br />