Une expérience humaine.
Chaque jour en est une.
Un jour de plus à être, où être.
Des autres autour de soi.
Des histoires.
Leurs histoires de vie.
Des trajectoires de cailloux qui traversent les mers,
toutes les mares, Corinne,
et tant de plaines...
Hier le CADA encore.
Le Centre D'accueil pour les Demandeurs d'Asile.
Vers qui peut-il se tourner, lui, quand son dossier est rejeté par la commission, les diverses commissions administratives,
quand les étapes ont été franchies, dans l'accident de la vie,
que l'OFPRA, avec sa politique des quotas, puis la CNDA opposent un non-recevoir ?
Que fera-t-il, demain, quand la structure et ses assistants sociaux, dans leur générosité, leur professionnalisme intègre et leur impuissance, lui diront qu'il doit quitter les lieux, qu'il n'obtiendra aucun papier de résidence sur le territoire ?
Que fera-t-il quand la préfecture lui donnera un mois pour retourner d'où il vient ?
D'où il vient ? D'où il vient ?
Il vient du Congo.
Il a lu un trac avec lequel il était d'accord et qui invitait à manifester.
Il a été manifester parce qu'il pense la situation sociale et politique de son pays insupportable.
Il en a parlé avec son voisin.
Il en a parlé souvent avec son voisin qui crève la misère comme lui.
Il a été arrêté après la manifestation.
Il a été fiché.
Il a subi des représailles.
Il a été emprisonné plusieurs mois pour insubordination au régime.
Sa mère, plus tard, est morte de misère et de peur.
Alors il a fui son pays et a trouvé refuge ici.
Une protection de la République française, à laquelle il a cru. Il parle bien le français.
Il devait sûrement y avoir une petite place pour lui au soleil d'un pays libre !
Seulement, l'enquête réclame des preuves plus probantes de ses opinions politiques,
met en doute le danger qu'il court en revenant au Congo, caricature sa détresse, banalise finalement son engagement pour lequel il n'a pas laissé la peau.
Si ça avait été le cas, s'il était mort sous les coups, ils auraient pu "se pencher" davantage sur le dossier et le traiter avec plus d'attention. Z'auraient ptête versé une larmichette !
C'est l'histoire d'un homme qui refusera l'aide au retour qu'on va lui proposer,
celle d'un homme qui sait bien sa malchance de vivre dans la paix des hommes libres,
celle d'un être qui, demain, sera sans papier
et jeté à la rue.
Un sans domicile fixe.
L' errant qui vous tendra une main pleine de honte.
Un arpenteur de la ville,
d'une ville,
de toutes les villes,
et qui aura peur.
Tout le temps peur.