Hannah Arendt est la philosophe qu'on sait, même sans l'avoir jamais lue, (mais ce serait mieux !) juive, allemande, liée amoureusement un moment à Martin Heidegger, arrêtée par la Gestapo et internée au camp de Gûrs, et qui a abordé les problématiques de la révolution, de la liberté et du totalitarisme. Le film rend compte de ce qu'elle a appelé "la banalisation du mal", dans ses écrit après le procès et la pendaison d'Adolf Eichmann à Jérusalem.
Elle publie une série d'articles, en mai 1962, qui provoquent une tornade et l'incompréhension.
Hannah Arendt dit que Eichmann, derrière sa cage de verre, n'était ni un monstre, ni un diable, mais un être banal, falot, et pitoyable, un citoyen qui avait obéi à la loi, un être docile, rendu incapable d'exercer sa pensée gommée par la monstruosité du système nazi. L'horreur du système nazi résidait, entre autres, dans son aptitude à détruire la volonté des individus et mettait en place "la loi de la nécessité".
Hannah Arendt écrit : « Eichmann n’est pas une figure démoniaque, mais plutôt l’incarnation de l’"absence de pensée” chez l’être humain. »
Son concept de "banalité du mal" est inacceptable pour les survivants des camps et pour le monde "après Auschwitz". Comment un homme qui a été un organisateur de la mort de millions d'hommes pouvait ne pas ressembler à un monstre, mais, en réalité, être un personnage veule, misérablement soumis à une autorité aussi terrifiante, terrible et scandaleuse dans l'idée-même que fut le nazisme ? La défense d'Eichmann a tenu en une phrase répétée tout le long de son procès : "J'ai exécuté les ordres, je n'ai rien fait, j'ai exécuté les ordres, je ne savais pas, j'ai exécuté les ordres, j'ai exécuté.." Un exécutant auquel il n'est pas question de pardon. Il s'agit d'autre chose.
Il s'agit en réalité, pour Hannah Arendt, d'une étude philosophique sur le mal, ou plutôt sur les ressorts du mal qui ont rendu les camps d'extermination possibles.
"Hannah Arendt", le film que je vois aujourd'hui et maintenant m'interpelle à plusieurs titres. Et je m'en décolle volontairement. Il induit deux réflexions.
D'abord, je vois une femme, sous les traits de Barbara Sukowa. Un corps de femme. Qui marche, qui fume. C'est fou ce qu'elle peut fumer et marcher, fumer en marchant ! C'est fou ce qu'elle peut penser ! Parce que la fumée et la marche disent la pensée qui s'élabore, l'esprit qui tient bon face aux détracteurs et à leur violence. Ce corps qui se déplace, rit, pleure, et marche.... ce sont des images très fortes ! La pensée est un corps expressif en mouvements.
Puis, pour que la pensée soit, il faut qu'elle veuille comprendre, et observer. La pensée, dans son mouvement de pensée, se déprend. Des convenances, de l'attendu, du prévisible, de la famille (d'appartenance). L'opposé de la pensée, donc de sa liberté, ce n'est pas une autre pensée, mais une rigidification, un gel. Le contraire de la pensée est une glaciation.
Finalement, c'est souvent ainsi que les choses se passent, non ? Quand on ne pense pas comme il est "entendu" que cela doit être pensé....