Un tour de manège. Dans la nuit, le petit matin, la brume du jour. Un espace-temps, un espace du temps, un passe passe de l'espace et du temps.
Puis me revoilà ici, toute étonnée d'avoir été là-bas...D'avoir ainsi vu, vécu, senti, reniflé, du froid sur le museau pour tout ce chaud du coeur.
Le train Paris/Bordeaux, la cité aquitaine toute embrouillée du soir avec pluie à la clé, une rumeur de gare encore dans l'oreille, les roues du trains sur leur ferraille, les images capitales qui ne se sont pas endormies, et qui veillent au coin des paupières. Je vais les voir les fenêtres, écartant d'un pouce le rideau blanc, et l'intérieur sera bien une réalité tangible, puisque la table y sera noire laquée et le lustre à facettes, les carreaux de la porte dans le miroir réfléchis... Ca réfléchit toujours un miroir. Pour d'infinies perceptions ; le contour d'un visage par-dessus un autre contour de visage, un regard sur un autre, un autre encore, un oeil me regardant dans l'angle pas mort du mur. C'est toi ? Ben oui, tiens, c'est toi !
Un tour de magie.
La traversée d'un paysage.
Le passe pour un espace du temps. Parce qu'on sait bien sa chance du temps à prendre, à le prendre, à se prendre. Accompagnée de la peur de ce qui s'en va, parce qu'il en est de tout ainsi, de tout, et même de la peur... On aura tout le temps, tout le temps d'avoir peur, bientôt. Alors là, on s'emplit de la "philosophie de l'allégresse," t'as dit. D'accord, je suis d'accord.
De la neige, des pluies, des champs, des filins pour la machine, les mots d'un livre, Paris dans une boîte, celle du camescope et celle de la Foirefouille, celle de la mémoire, un calepin fidèle, et puis un bout de feuille dans le petit matin sur laquelle une chanson s'écrit en double dix doigts :
On aura beau dire,
on aura tout le temps peur
jusqu'à ce qu'on meure
on aura tout le temps,
tout le temps d'avoir peur...
On pourrait se maudire,
se dire et se dédire
on aura tout le temps peur...
A faire et à défaire
et même à refaire,
l'avenir ça dure longtemps
jusqu'à ce qu'on meure
il n'y a rien à faire
on aura tout le temps
tout le temps d'avoir peur...
La vie est-elle un leurre ?
Une rancoeur dans le coeur ?
Et même à plusieurs,
on aur a tout le temps,
tout le temps d'avoir peur...