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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 20:00

 LE-PLANCHER.jpg

 

C'est un coup au coeur, à la tête, au ventre.

Un livre à l'écriture flamboyante, flamboyante, non seulement parce qu'elle flamboie, mais parce qu'elle nous flambe.

"Si je te donne ma longitude, ma latitude, ma solitude, tu viendras me chercher ?"

On y entend comme une ultime prière, en un long cri très silencieux. Comment raconter le cri ? Comment dire le silence ? On aurait peur d'être intrusif, voyeur de misère et de souffrance,  réducteur et extrêmement bavard. 

On choisira alors de rester à la surface de l'histoire de Perrine Le Querrec.

On pensera à un fait  divers dans une campagne très profonde, un huis clos familial  dans l'ombre d'une ferme et des bois. On avancera doucement dans le marais de la folie qui s'organise autour des êtres : père, mère, frère, soeur, Mortné, L'enfant X.

Un jeu indicible de dominos qui tombent.

Un empilement de colères de violences de rages d'interdits d'arrachements de poussières d'éboulis.

 

"Les arbres les prés les bêtes envahissent la ferme et le lierre grimpre sur la facçade, plante ses ventouses, descelle les pierres. Les arbres les prés les bêtes le lierre le vent traversent  les pièces grimpent l'escalier couchent dans les lits. Lorsque toutes les issues seront bloquées ou effondrées, ils passeront par le toit crevé et descendront par l'arbre, arracheront le plancher, creuseront un tunnel. Mais qui songerait à fuir ?"

 

Tout à la fin, tout à la fin de sa vie, au burin et durant cinq mois, Jean/Jeannot va graver ses mots dans le bois, sur 15m² de plancher. Il devient le plancher qui "bouge, s'élève, retombe, vague noire au centre de la pièce". Ses mots ne suffiront pas à le libérer de sa douleur. 

 

"Je suis fatras d'organes qui parle

sillons du départ invisible

c'est un plan d'évasion"

 

Qui est véritablement l'auteur du "Plancher de Jeannot", cette pièce de bois découverte en 1993, achetée et revendue à un laboratoire, exploitée comme "art brut", puis (source wikipédia : en grande partie grâce à l'insistance du professeur Jean-Pierre Olié, chef du service hospitalo-universitaire, qui souhaite l'exposer pour combattre la honte et les préjugés qui pèsent sur les maladies mentales) visible à présent, rue Cabanis, contre un mur de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, ? 

Jean n'est ni écrivain ni artiste, mais un souffrant à mort. Perrine Le Querrec lui aura rendu  voix et corps, dans une langue âpre, crue et poétique. On la suit, sur les chemins épineux de son écriture qui creuse une terre étrange, essentiellement humaine.  On ne sait pas où classer  son livre (roman récit poésie) et c'est très bien ainsi.

 

 

"Le plancher" | Perrine Le Querrec, éditions Les doigts dans la prose

 


commentaires

D
La folie reste insondable. La littérature peut y donner des coups.
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B
<br /> <br /> Mystère des âmes souffrantes. La maladie isole, la littérature est secourable.<br /> <br /> <br /> <br />