Un poète de l'humilité, et ses mots sont ciselés, à blanc, à l'économie de la langue. Vissée pour qu'elle parle. Et foisonne.
Qu'elle chante et hurle.
Et pleure "le chien rempli d'aboiements", "la mort à dos de mulet", la terre fragile comme du verre, et comme le sont les hommes.
Féroces.
Abandonnés, quand "la liberté ne se repose que sur la terrasse d'une prison". Tristes et joyeux dans le même temps, c'est dire l'acuité d'un regard qui a vu.
On croirait parfois s'aventurer dans un tableau, un Jardin des délices aux multiples corps, de femmes, d'oiseaux, d'insectes, et
entendre des craquements, des soupirs, des douleurs, et des jouissances,
un rêve dont "le chant ne me tuera pas".
"Donne-moi un verre
pour que j'avale ce vide
un bras
pour que je mesure cette séparation
Prépare-moi un lit de verre
pour que mes cauchemars glissent dessus
...
Je laisserai beaucoup de blancs dans mes écrits
afin d'éclairer la pénombre qui descend
avec la nuit des mots
...
J'ai déposé l'oreiller sur la ligne de l'horizon
et je me suis endormi après avoir éteint le soleil
au-dessus de ma tête
Mais quand je suis entré dans le désert de cette feuille
par la porte du vent
je me suis éteint
Puis j'ai essuyé une larme de pluie
qui a coulé de mon oeil
...
Je commencerai par la mer
pour parvenir à une goutte d'eau
par l'écriture
pour revenir au blanc
Ne mange pas de pain
mais de la bougie
pour éclairer la pénombre du ventre
...
A la porte j'ai vu Modigliani essayant de monter la bicyclette d'une femme qui s'était penchée par mégarde
...
je suis venu fou
pour comprendre le fou
tordre ce qui est droit
comprendre le fleuve
et le serpent
fou
pour aimer les échelles
comme chacun voudrait que je sois
Je vous ai apporté des choses inestimables
Les petits cailloux avec lesquels je joue
Des formes
qui ne ressemblent qu'aux animaux imaginés
dans la volupté
Du parfum
pour ouvrir vos narines
à la sauvagerie du plaisir"