Sculptures | Claude Bourgeyx
Céline, on en reparle. Pour nous dire que, justement, on n'en parlera pas, pour le cinquantenaire de sa mort. Louis-Ferdinand Céline a été monstrueux dans "Les draps blancs", oui.
N'empêche, il a quand même écrit un chef d'oeuvre !
"Voyage au bout de la nuit" est un sommet d'écriture de la misère et de la fange des hommes, de leurs vanités et de leurs abjections. La déchéance et la montruosité que chacun porte en soi, la nuit qu'on ne montre pas, cette bien- pensance absurde et qui n'a peur de rien, et s'ignore et s'enorgueillit parfois aussi de son ignorance, et ne sait pas pleurer, ou n'a plus de larmes, cette vie réfugiée n'importe où et sale, ...et Bardamu, un miroir fiché dans le fond des yeux, pour observer les hommes et se voir, triste et pauvre de lui-même, un pas accompli devant le goufre de son âme, fasciné par son ombre, ses perceptions de la nature humaine qui peut l'être si peu, humaine, ou si mal. Et ne lui en déplaise, qu'elle s'aimerait encore quand même !
et lui qui s'en prend la tête au bout des mains, isolé pour un rien, finalement, dans ce monde qui se croit vertueux, bien au bout, dans un désespoir correct qui le porte à des visions folles et grandioses : ses semblables, ses frères de peu, de si peu ! Pâleur et misère de l'étoile inaccessible qui monte toujours et noie la beauté quI voudrait vivre... Et que le monde hurle ne change jamais rien au pire. Tout se mélange et pleure en-dedans. Les peaux se détachent de l'oignon. Reste un noyau, que le coeur. Le coeur tout froissé de l'homme. Seul. Une solitude plus grande que tout. Et, ben oui, une lucidité féroce...
Combien de morts aujourd'hui en Egypte ? On en comptera combien en Tunisie ? Ici et là ? Et ailleurs ? Et partout ? Une catastrophe, toujours. Et le mépris, et la médisance, et la bêtise, et l'injustice, et la connerie, et ce qui se dit au jugé parce qu'on se sera transformé en juge et qu'on n'en rougira même pas...
...Alors pour ce à quoi je crois,
pour cela,
des fleurs quand même qui iront grandir au grand vent
et voudront se tourner vers le soleil, quelquefois.
...Quelquefois.
Pour tout cela, qu'on le lise, Céline et son "Voyage..."
"A force d'être foutu à la porte de partout, tu finiras sûrement par le trouver, le truc qui leur fait si peur à tous, à tous ces salauds-là autant qu'ils sont et qui doit être au bout de la nuit. C'est pour ça qu'ils n'y vont pas, eux, au bout de la nuit. "