Je lis et relis le superbe discours de Camus de réception du prix Nobel.
Je me sens toute petite. Dans mes fibres, et mes désespérances, Camus a raison, je le sais. Rien de souffrance humaine ne pourra jamais glisser sur moi. Passer sur un chemin sera toujours apprendre des autres et de moi-même, prendre en moi les cailloux de ce chemin pour en élever, peut-être, une beauté.
"L'art est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes leur offrant une image privilégiée des souffrances t des joies communes. Il soumet l'artiste à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne meprisent rien ; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s'ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d'une société où, selon le mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel.Son rôle, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'Histoire : il est au service de ceux qui la subissent."