J'aime cette chanson entendue, ré-entendue cet après-midi, et qui ne va pas si mal, en décalé, avec ce billet.
Je me souviens de cette maison où j'ai passé quelque temps. J'accordais les images aux images, j'écrivais dans un cahier, j'appelais ça : "Portraits de la douleur" .
J'ai retrouvé le cahier cartonné tout à l'heure et je lis...
Et je me souviens d'elle.
Marie vit ici depuis 23 ans. C'est elle qui m'a dit de ne pas avoir peur le premier jour. Elle a une soixantaine d'années, une canne, elle boite. Elle a les cheveux tirés en chignon, son élégance est remarquable et touchante. Un rouge à lèvres habille ses lèvres, ses taches de rousseur font des étoiles sur son visage. Marie a 56 ans. Elle a eu un accident de voiture il y a longtemps. Elle était infirmière à la Martinique et n'a jamais voulu se marier.
"Ce qui fait que je suis toute seule, tu sais. Bien sûr j'ai ma fille à Paris, mais elle est si froide, ma fille ! J'ai passé deux ans dans une chambre ici, puis j'en ai changé, je ne sais pas pourquoi, je l'aimais bien."
Elle ajoute ensuite qu'elle ne peut pas se concentrer pour lire, mais qu'elle adore le cinéma.
Puis elle baisse un peu la tête, regarde plus loin par-dessus les vignes, le ciel immense et fou de ses nuages presque orange.
"Ma mère est très très vieille et c'est moi qui paie sa maison de retraite. Je n'aurai plus jamais d'amie, moi, plus jamais de fiancé. Qui voudrait de moi avec cette jambe ?"
Une larme roule sur une de ses joues comme une longue bille molle.
"Ca fait vingt-trois ans que je suis ici. Je pleure depuis trois jours, et depuis longtemps, je suis une abandonnée du monde."