Les photos d'Hervé Bégou sont de partout, elles captent aussi bien la pluie de Paris que la lumière d'un ciel en Provence. L'ombre sur un mur, où qu'il se trouve, aura toujours l'originalité émotionnelle de ce magicien de l'image.
On ne sait pas au juste d'où vient l'émotion. Mais chaque fois, elle est là, comme une intime météo du coeur et du corps.
Une présence qui consiste à troubler celui qui regarde. Qui triture les lignes et les formes.
Alors on n'a pas envie de décortiquer le cadrage ou la focale. On se laisse prendre seulement par la sensation d'être devant quelque chose, témoin de quelque chose.
C'est qu'ici, dans l'univers photographique d'Hervé Bégou, la vie n'est jamais réduite par la vie-même. Tout est important : le doigt d'un enfant, le regard d'un être parmi d'autres, un oiseau à terre, un mouvement suspendu dans l'air, une liseuse...
On sent bien que l'oeil est habité de visions de peu, essentielles et vivantes ; on sait que par-dessus le paysage, des ciels battent toujours des bouts de rêves, une sorte de fragilité généreuse.
Car la réalité gagne toujours en force d'expression par les noirs et les blancs tranchés au vif, dans une esthétique vibrante, très composée et étonnante.
Chaque image est une ode à l'humain. Au décalé dans l'humain. A sa porosité au monde.
C'est cette disposition à capter les ironies du quotidien qui vient bouger en nous ce que nous n'avions pas entrevu : un enchantement astucieux donne alors des ailes de papillons à notre imaginaire.
La vie est là et nous la découvrons dans des combinaisons poétiques, vibrantes, excitantes, à ce point tel que nous l'aimons nous aussi, quand elle nous apparait ainsi, tout à la fois mystérieuse et magique.
Un couple d'amoureux sur un bord de Seine et c'est une bascule possible dans un ciel liquide.
Le labyrinthe où se perdre risquerait l'aventure. Un mur de mots d'amour dits, redits, perdus, écrits, demeurent.
"Pourquoi suis-je vivant ?" Hervé Bégou répond par ses photos, compilation d'images entrevues depuis longtemps et des traces d'aujourd'hui, "de bave d'escargot", disait Francis Bacon "et s'il ne restait que cela ..."