15 heures. "La boîte à jouer". Rencontre avec le poète Salah al Hamdani. Il porte sur son visage les traces de l' inquiètude de ceux qui ont eu peur des menaces et supporté les coups, de ceux qui ont lutté, et résisté, et crié au fond de leur âme. La prison politique est aussi l'école de la vie, là où les rencontres sont toujours d'importance quand elles sont le lieu de la découverte des mots. Salah le sait. Il raconte son histoire, celle d'un fils du peuple irakien, de gens de peu et de la terre. Il dit les tortures subies et les mois à pourrir dans une tôle. Il dit sa tête mise à prix et son obligation de fuir son pays et Saddam Hussein. Il dit que la France était le pays de Camus, il dit que le pays de Camus serait le sien. Il raconte comment Camus l'a marqué dans toutes les connivences qu'ils avaient ensemble : la pauvreté et le désir d'apprendre venu du coeur des mots, du sens venu de l'absurde du monde et de sa barbarie. Salah al Hamdani arrive donc en France fin 74. Il fait des rencontres qui le sauveront, des bienveillances s'inscriront dans son coeur, quelques mains, pour lui, seront tendues. Il apprend le français, s'inscrit à la fac, se passionne de théâtre et de philosophie tout en travaillant dans un supermarché, mais surtout, surtout... il écrit. En 79, il a parcouru beaucoup de chemin. Sa reconnaissance d'artiste et de poète est mesurable aux dimensions des lettres capitales de son nom affiché dans les couloirs du métro... Salah a aujourd'hui 60 ans. Il a écrit une trentaine de livres qui sont toujours introuvables en Irak. Il est retourné en Irak après trente années d'exil, sans jamais avoir oublié l'ocre de sa terre. Il a continué son engagement, parce que vivre est le premier d'entre tous. Ses livres témoignent de sa pensée libre. " J'en ai marre de faire le choix entre les morts" dit-il.
"Voilà ma part de victimes ma part de lune, ma récolte de néant, ma part de poussière, de mots et de cris".
- Demain jeudi, Salah al Hamdani rencontrera deux classes de l'école Balguerie auprès desquelles l'enseignant Dominique Boudou porte la poésie.
- Vendredi, François Mauget et ses complices du Théâtre des Tafurs mettront en voix et en musique des textes de Salah : "Au large de douleur". Le spectacle aura lieu à 20h30 à l'Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine en présence de l' auteur qui lira un de ses textes en fin de soirée.
"L'exilé se couche seul entre les lignes de l'histoire tandis que les larmes de sa bien-aimée elles aussi montrent la noyade du fleuve."
Sous la ville, une terre aveugle, un chemin nu, des pierres. Tu marches dans les rues, sous les néons blancs. Mouvements de tes jambes, de tes bras. Une ronde, un geste comme une marée, une lumière, du silence. Tu ne vois même pas l'horizon. Tu l'imagines peut-être. Ici, c'est tout ce que tu peux faire. Tu fermes les yeux. Tu fais le vide. Tu maisses venir les images, se former les mots, s'ouvrir le livre.
Tu marches comme un homme ivre. La terre, ici, a une peau moite, blanche et poudrée. Du sable.
Tu fais attention à ne pas tomber. L'immensité te porte, on croirait. Parfois, de justesse, tu te raccroches à rien.
Lieu d'absence.
Tu ouvres la bouche et tu aspires l'humidité du ciel, de la terre ? Tu ne sais plus.
Tu dis qu'on croirait le désert. A cause du vent et des herbes qui bougent. De l'immobilité de la pierre, et de son silence. Tu sais pourtant que ce n'est pas vrai. L'eau, ici, s'accouple au ciel, il n'y a pas de frontière, seulement des lignes qui se déplacent et qui flottent : un voile noué de vapeurs et d'écume.
Tu ne sais pas ce qu'il y a derrière le livre. Une empreinte de ta vie. Une trace de toi-même. Une manière d'écriture.
Tu marches comme si tu alignais des mots à la surface du monde.
Tous les jours tu te dis que tu écris un livre invisible dans l' éternité fragile de la pierre qui s'effrite...
Je veux, ce dimanche d'élections régionales, demeurer sur la scène poétique.
Ce qui est au coeur du coeur des mots, c'est l'humain non ? L'incommunicable de son mystère et cette approche de l'autre que nous avons, toujours plus pâle que le soleil de la poésie, plus délavée, plus tâtonnante, plus absente, plus impuissante... Alors voilà une bonne encre quand elle est bonne, une encre qui se révèle dans le sang des êtres, dans leurs veines. Ce qui apparaît et nous vient, nous revient... C'est une encre sympathique, on dit, qui "souffre avec"... Tenir debout pour se tenir d'abord, soi, aux branches du rafiot de l'arbre vert, sans ligature des trompes, des tiges, des rameaux, des racines... Tenir debout, soi, pour que tienne son monde, dans sa fatigue, tant pis, qu'il tienne !
Allez ! Ce sont les élections, j'ai dans la tête quelques airs et des mots peints en bleu, allez savoir ! contre toutes les oppressions des hommes et ici, oui, ici, aussi.
Tout à l'heure, je me souviens ce que j'ai dit, quelque chose comme ça : "Personne ici, en écrivant de la poésie, ne risque sa peau, ce n'est pas le cas partout ! Mais pourtant écrire de la poésie, c'est dire NON à la pensée apprise !"
Alors, je pense ce soir à ces poésies militantes, parce qu'elle l'est forcément, militante, la poésie, dans son existence même. Le seul fait de son existence la range dans le hors champs, le hors tout, donc le hors loi, le hors règle, le hors norme. Je ne parle pas de sa forme,(et encore faudrait voir à ne pas retomber sur les vieilles lunes formelles ! "Etonner mais pas choquer", qui disait ça d'ailleurs, hein ? Ah oui, je remets, alors...glissons, glissons, cela vaut mieux, ça agacerait mes nerfs fatigués, il est tard, il est tard ! "Pas choquer !", pour ça et ça, et pour ça encore ! Et pour la poésie aussi, on dira la même chose, certains diront toujours la même chose, pour quoi que ce soit, tout prêts qu'ils sont, droits dans leurs bottes, à tuer les germes des graines bien au fond dans la terre glaise, les équarrisseurs de toujours qui ont leur droit, toujours "le" droit, "le" juste, "le" vrai, "la" vérité, la leur toujours. Ferré, le Léo, disait "que ce qui a de terrible avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres !" Ben oui, celle du plus fort, invariablement, de celui qui se croit le plus fort, qui impose sa loi sans rien devoir penser, jamais jamais rien remettre en cause, ou à une autre place, ou sous une autre lampe...) Alors voilà, l'histoire d'un homme, d'hommes avec lui, de courage. Dans un pays où les mots signent acte de mort. Où prendre la parole, où écrire est un risque. La parole est souvent un risque. Toujours. Un engagement. Toujours. Et je plains celui qui ne prendrait jamais parti, qui se boucherait les oreilles et les yeux "moi, je ne sais pas, moi, je ne vois pas, sourd et aveugle au monde, à la détresse du monde"... Y'en a tant eu qui s'en allèrent, qui ne demandaient que du feu... Dans des trains plombés, au bout de l'ombre, et dans le brouillard... On ne peut pas ne pas savoir dire, dire un peu...
Donc lui, Victor Jara, un poète, au côté de Pablo Neruda, un autre grand qui vient de recevoir le prix Nobel, défie les sbires de Pinochet, à la tête de l'armée chilienne depuis sa prise du pouvoir le 11 septembre 73 en éliminant Salvador Allende. Il est arrêté le 12 septembre et conduit dans un stade, interrogé par les militaires. Son engagement artistique et politique en a fait une cible de choix. Les militaires le torturent, lui brisent les doigts à coup de crosse de fusil, lui ordonnent de se remettre à chanter. Il meurt à 41 ans le 16 septembre ainsi que les militants qui avaient repris son chant "Venceremos", Nous vaincrons. Son corps martyrisé rejoindra celui de tous les anonymes massacrés durant cette répression sanglante.
2279 morts et disparus sous la dictature militaire. Entre 73 et 90, sur 33 221 personnes arrêtées, 27 255 ont été reconnues victimes de prison politique et de torture par la commission sur la prison et la torture. Certains n'avaient aucun passé militant.
Yo no canto por cantar ni por tener buena voz
canto porque la guitarra tiene sentido y razon, tiene corazon de tierra y alas de palomita, es como el agua bendita santigua glorias y penas, aqui se encajo mi canto como dijera Violeta guitarra trabajadora con olor a primavera.
Que no es guitarra de ricos ni cosa que se parezca mi canto es de los andamios para alcanzar las estrellas, que el canto tiene sentido cuando palpita en las venas del que morira cantando las verdades verdaderas, no las lisonjas fugaces ni las famas extranjeras sino el canto de una alondra hasta el fondo de la tierra.
Ahi donde llega todo y donde todo comienza canto que ha sido valiente siempre sera cancion nueva.
Lectures de nos textes. Quatre invitées, trois en réalité : moi, Maram al Masri, poète syrienne, et Ayten Mutlu , une poète turque. Des lectures ce matin à la bibliothèque de Cenon, et cet apres-midi, dans l'auditorium de la bibliothèque de Mériadeck. Moi, là, sur la scène, une centaines de personnes, j'adore ! On me donne cette lumière et je la prends, sur les cordes du luth et le souffle du quatuor Tafta. Maram me plaît tout de suite. C'est réciproque, oui. On échange nos livres, nos mails. "La nuit se sauve par la fenêtre" contre "Les âmes aux pieds nus", un livre de portraits de femmes blessées . Belle écriture au ventre noué. Elle a publié chez Seghers : "Je te menace d'une colombe blanche". La plante de son stylo s'irrigue de cette idée de liberté qui ne signifie pas toujours la même chose, d'un pays à l'autre, ici, et là.
Merci à l'association ALIFS et particulièrement à Wahid, et aux trois jolies et talentueuses Anne-Cécile, Emmanuelle et Camille qui ont magnifiquement servi la poésie tous ces jours.
Une chemise, une liquette, un dossier avec ou sans manche, sale, mais tant lacunaire, ... on s'en moque comme de l'an quarante, qu'on ne craint rien, ni d'Eve ni d'Adam ! Pouvez bien garder vos roussins, vos bidets, vos chevaux de retour, nous, on fréquente en amazone nos palefrois, des coursiers d'élégance, des pur-sang chevaleresques à la toison d'or parce que faut pas compter nos cheveux arrachés sur la chemise Armani, le crin sur la liquette Ralph Lauren, et le dos scié.
Bleu de la femme d'un rêve, bleu Klein de son saut de l'ange, bleu azuréen qu'on voudrait des étoiles les toucher et les tordre, bleu des traques du corps torpeurisé, bleu des tonnes de baisers, des pigments à l'âme, des ecchymoses outremer, forget me not, s'il te plaît, s'il te plaît ! bleu des courants du tirant d'eau, bleu marine des "je t'aime l'écureuil" de mes toiles coulées, bleu Daho le monde comme toi, bleu du sang d'ardoise et de chauffe.
Sac papillon de Fathia, (pour moi ha ! ha! je l'adore !) sac création, sac unique, sac aux tours et aux détours, sac pour ta main dedans, sac plein de sacré coeur, sac embryonnaire aux idées, pas d'embrouilles, pas de noeuds, mais une élégance à l'épaule sur la tienne aussi, si tu veux, si tu veux.
Suffit d'écrire un message sur ce blog, Suffit d'un coup de fil, de moi à elle, et l'aiguille de Fathia avance sur la toile, volage et sauvageonne, libre de ses points, de croix ou d'Alençon, de Hongrie ou noués...
ils seront points sensibles, points d'appui, et points d'attache...
Un spectacle encore ! Des poèmes en scène. Répétitions à mille voix. Fathia a apporté du thé. Du thé au ...Théâtre Jean Vilar. Entre deux plateaux, entre nous, entr'acte. Le Quatuor Tafta, violoncelle, guitare, accordéon et violon, le doudouk de Giro, des lectures plurilingues à suivre, une éclosion de mots dans la bouche, une splendeur qui emporte, comme sur mon sac, un papillon "choisi pour toi, parce que je trouve que ça te va bien !"
Oui, tout ça me va. Lumière ! Musique ! Le rideau s'ouvre et....
Fathia, dans son envol (ah non ! "c'est moi pour le papillon à l'épaule", Fathia a dit !), customise des sacs qu'elle fabrique dans de la toile de jean et ils sont superbes. Superbes ! Demain, je mettrai quelques photos pour celles que ça intéresserait. Elles ne seront pas déçues du look de l'oeil, en épaulé jeté. Ben oui, quoi, pourquoi ça ne serait pas aussi de la poésie pour peu que le regard porté soit celui d'un "voyant" ? Votre message en aparté et je mets en relation pour passer commande...