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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 20:34


 








Merci à DEB pour cette photo

J'ai fini le livre "Des hommes" de Laurent Mauvignier.
Une splendeur du style porté par une histoire dense, une histoire dans l'Histoire, qui creuse les personnages par l'intérieur.
C'est une écriture qui se rencontre dans ces pages.
L'écriture qui construit les personnages, comme s'ils échappaient d'elle et qu'elle les emportait au creux d'eux-mêmes. Chaque mot est pesé dans un souffle sur les plateaux de la phrase qui balance, qui oscille arqueboutée,  glisse, dérive, à l'arraché, à bout de mots on dirait, lancine, s'interrompt là, une chute, un vertige, toujours un équilibre.
Une justesse des mots qui vont plus loin qu'eux seuls.

Je pensais à cela tout à l'heure, devant la mer. Il faisait beau, une inondation de lumière à cligner des yeux sans cesse et à s'étonner de tout ce bleu délassé du ciel.
Sur la jetée, des gens se prenaient en photo les uns les autres. Souriaient. Quelques-uns ont ri.
Comme je l'ai fait un jour sûrement.
On m'aura dit de sourire pour la photo et j'aurai souri...
Et néanmoins... Voilà que je pensais à cela.
Etaient-ils donc si heureux que cela tous ces gens à mimer le bonheur avec tant d'application ? A se laisser prendre par la situation, -une photo te dis-je !-, fixer l'instant qui devait dire la joie et la légèreté du corps, quand bien même celui-là serait lourd et les muscles tendus par-dessous le tissu ?
Je pensais à cela :

"Rien que je veuille recommencer à entendre, à attendre, à revivre à part que, peut-être, je voudrais savoir pourquoi on fait des photos et pourquoi elles nous font croire que nous n'avons pas mal au ventre et que nous dormons bien."


 

25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 00:30

Je ne sais pas si c'est vrai que la conscience de la mémoire vivante est l'apprentissage de la mort,
mais il y a une idée d'éternité là.
Ce qui est,
sera,
à toujours
.

Une sorte d'immobilité du geste,
une suspension de l'émotion,
un temps plein qui gonfle son bagage.

La conscience est une matière fixe,
autant que la mémoire est une charpente souple, tendre et flexible.
Un phare dans la mer qui bouge.
La conscience est un phare,
un feu,
au corps et dans les yeux,
dans la tête et les veines,
le ventre battant.
Une matière de chair, un organisme qui vit et tremble.
Une luminosité de ciel tant qu'on le veut,
durable aussi longtemps que ma vie,
 
et pourtant mortelle
comme tout ce qui existe
pour finir au creux des terres.

Ce qui est,
et sera à toujours,
dans nos terres humaines.

24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 20:04























Le  paysage, parfois, entre au-dedans de soi.

Il pleut et c'est dedans.
Grand soleil, c'est dedans.

Mais ni la pluie ni le soleil ne disent rien.
Ils sont une composition du tableau du jour, rien de plus.

Cependant, il se trouve que l'un et l'autre, le paysage du dedans et celui du dehors entrent parfois en concordance.
L'un et l'autre résonnent ensemble...
Et cela me trouble toujours.

Parce que la mémoire joue alors sa partition dans la conscience que l'on a de ce moment de cohérence.
On n'oubliera plus ce calque invraisemblable, acte 2 scène 3 va savoir ! filmé du milieu de l'oeil de notre vie/cyclone, plan large, organisé côté cour.

"Il fait grand beau et je suis vivante de mon rire..."
"Il pleut, j'ai mal à la tête et aux yeux..."
Ce qui se dit, là, dans l'étonnement de cette rencontre de la pluie et du malaise, la mémoire aux aguets, un super marché de luxe où tout se troque, la pluie comme le soleil pour de la suie ou un ravissement, tout pris dans le sac des émulsions à incruster le jour.
Un geste, un regard, ou un mot... Tac ! 

Ce serait cela apprendre à mourir ?
La conscience et la mémoire vivante.

La conscience de sa mémoire vivante ?
23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 08:59


Je relis ces quelques lignes dans un livre de Philippe Jaccottet

"Que l'effacement soit ma façon de resplendir".


Lire  et relire cette phrase.

L'éclairer étrangement et tout exprès, décalée de la lampe, un peu de biais, vous voyez, pour que l'oscur prenne toute sa lumière et son sens.



ET NEANMOINS,

"L'infime qui ouvre une voie, qui fraie une voie ; mais rien de plus.
Comme s'il fallait bien autre chose, qui ne me fut jamais donné, pour aller au-delà."

Et ce serait frôler ce qui ne tient pas dans les mots... Savoir que ça ne peut pas.
Ou bien alors faudrait user d'une délicatesse en image, en recourir à la métaphore, au symbolique, que sais-je ?
Ce qui ne tient pas dans les mots, précisément.

Comme une peur de toucher un mystère qui ne pourrait s'atteindre.
22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 16:06


Ce qui se troue,                       
puis s'entrouvre, 
s'ouvre,
se retrouve,
se découvre,
redécouvre.

Puis ce qui se couvre,
se recouvre.
Se recouvre.

Un toit avec des tuiles.
Une construction de bois,
quelques planches.
Du ciment fondu tout autour
pour que tout tienne.
Autant dire un phare dans la mer.
Je sais ce texte nul de chez nul, mais on n'est pas toujours au mieux de sa forme en matière d'écriture. Faudrait ne rien écrire alors. Ne rien écrire. Ne rien. Rien.
Une écriture du rien.




21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 17:19




"J'exerce ma volonté à être en agissant de l'intérieur de moi".

Je dis ça. 

J'essaie d'évoluer dans une certaine justesse, sans savoir précisement ce que ça veut dire précisément, "une certaine justesse".

Est-ce qu'on peut tout préciser ? 
Toujours ?


J'ai seulement l'intuition de la diversité qu'il y a en moi et que celle-ci joue. En moi, de moi, envers et contre moi.
Un embrouillamini parfois que je tente de dérouler comme le fil emmêlé d'une pelote de laine.
La lucidité me semble alors, seule, pouvoir me renseigner sur la réalité de la représentation que j'ai de moi-même, Encore que... Comment en avoir une idée juste ? Justement juste ?
On se leurrerait sans cesse dans le miroir de son corps, de son âme ?

"Je m'apparais être", disait Kant.

Alors, quoi ? Je sais la conscience que j'ai de moi. C'est déjà çà, non ? Je tiens quelque chose, là, non ?
Je lis, je pense, je ris, pleure, j'existe dans un monde commun... Je suis là.  Précisément là.  Parfois plus, parfois moins. 
Faudrait-il, pour mieux faire, pour mieux dire, relier   cette réprésentation de soi et la conscience de soi pour que l'image du miroir tienne la route ?
Sortir du labyrinthe et ne pas se cogner à soi, si l'on admet que c'est  toujours à soi-même qu'on se heurte, précisément ?
Simone Weil, la philosophe, parlait de "souffrance et de grâce"  ....cela est transposable à chaque homme sur cette Terre.

Chaque acte de ma volonté est contenu dans un "tout qui est moi, ce que je suis, celle que je tente d'approcher, celle qu'il m'arrive d'être précisément, pour me dire et me surprendre : "Là, oui, c'est toi. Toi, qui es là, penses et vis, toi qui existes, en vrai, en vrai de vrai..."

Et, regardant mon image dans le miroir, je touche en même temps, de tous mes doigts, ce visage qui est le mien.

20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 19:27

J'aime cette chanson entendue, ré-entendue cet après-midi, et qui ne va pas si mal, en décalé, avec ce billet.
Je me souviens de cette maison où j'ai passé quelque temps. J'accordais les images aux images, j'écrivais dans un cahier, j'appelais ça  : "Portraits de la douleur" .
J'ai retrouvé le cahier cartonné tout à l'heure et je lis...
Et je me souviens d'elle.

Marie vit ici depuis 23 ans. C'est elle qui m'a dit de ne pas avoir peur le premier jour. Elle a une soixantaine d'années, une canne, elle boite. Elle a les cheveux tirés en chignon, son élégance est remarquable et touchante. Un rouge à lèvres habille ses lèvres, ses taches de rousseur font des étoiles sur son visage. Marie a 56 ans. Elle a eu un accident de voiture il y a longtemps. Elle était infirmière à la Martinique et n'a jamais voulu se marier.

"Ce qui fait que je suis toute seule, tu sais. Bien sûr j'ai ma fille à Paris, mais elle est si froide, ma fille ! J'ai passé deux ans dans une chambre ici, puis j'en ai changé, je ne sais pas pourquoi, je l'aimais bien."

Elle ajoute ensuite qu'elle ne peut pas se concentrer pour lire, mais qu'elle adore le cinéma.
Puis elle baisse un peu la tête, regarde plus loin par-dessus les vignes,  le ciel immense et fou de ses nuages presque orange.

"Ma mère est très très vieille et c'est moi qui paie sa maison de retraite. Je n'aurai plus jamais d'amie, moi, plus jamais de fiancé. Qui voudrait de moi avec cette jambe ?"

Une larme roule sur une de ses joues comme une longue bille molle.

"Ca fait vingt-trois ans que je suis ici. Je pleure depuis trois jours, et depuis longtemps, je suis une abandonnée du monde."

19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 18:16




- Oui, un billet de loterie... J'ai acheté un billet de loterie.
- Ah bon ?
- Ca arrive à tout le monde, non ? Chuis trop nulle ou quoi ?
Ca écorche le cerveau de gratter des numéros sur un ticket perdant ? C'est ça, hein ? Mais j't'assure, personne m'a vue... La réputation en prend un coup derrière des oreilles d'âne ? C'est ça, hein ?
- Ben, ....Non ! Pourquoi tu me dis ça ?

Le bureau de tabac. Pas un chat errant à l'horizon.
Griserie du ciel.
Exaltation des bleus grimés un brin grisés dans la fraîcheur du ciel.
Ivresse de tes yeux tout accrochés aux voiles griffés grisants  du ciel...

Le bureau de tabac toujours. Et toujours pas un chat vaillant en vue.
"Tu verras quand j'aurai plein de sous..."
Si t'en prenais un ? 
Tu te décides pour un "Cash". Pour cinq balles, cinq euros, quoi !
Des numéros sous des étoiles et des sommes à se mettre sous l'ongle.
Tu prends ça à la légère.
Gratter, c'est à la portée du premier venu, du dernier des vendus.
Tu le sais.
D'ailleurs, tu le dis "Je sais... "
Quand même, t'inventes des histoires d'Austin Cooper à offrir, un théâtre sans ombres avec des comédiens vrai de vrai, une maison d'éditions pour souffler dehors des livres dans la marge, fabuleux, sans étiquette, des voyages lointains où partir dans un avion blanc...
"Je paie pour voir, moi, comme au poker !"
Puis, tu restes là, à lire le 35, le 28, le 14 que t'as pas.
Que t'aurais pu avoir et que t'auras demain sans doute,  quand pourtant t'y crois pas, et que l'Austin pourra aller rouler carrosse sous un autre ciel... 

- Toi...
- Quoi, moi ? 
- Ben...
- Ecoute, moi, intellectuellement, c'est du cash, tu vois ! tu m'crois pas ?
- Ben... si ! Pourquoi tu me dis ça ?
 

18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 17:00






Il y a quand même des ironies, des sortes de passerelles qui dessinent de drôles d' architectures au-dessus de nos surfaces liquides.
Les événements et des mots se répondent, parlent entre eux, on dirait.
A côté de nous, une musique du hasard construit ses arabesques folles.

Et j'entends des portées de voix dans une gamme de notes dodécaphoniques, des spirales de Schoenberg et des souffles en contrepoint, un ensemble instrumental et des essoufflements...
Quelque part, a
u milieu du gué, un épuisement immense quand tout fout le camp et que les courants jouent la vie des hommes sur une corde qui a gelé les doigts.
Pas coupé les mains, non, non !  juste gelé les doigts et noyé le rire.

Alors, cette phrase du livre
"Des hommes" de Laurent Mauvignier a attiré plus que tout mon attention.
Tout dépend de ce qui est vécu et senti, direz-vous. Oui, tout dépend de.

" La colère et encore une fois ne pas comprendre. Se dire qu'on est là, à attendre dans une cuisine, se dire que dehors il fait froid, nuit, et que loin d'ici, de ce temps aussi, que très loin il y a des raisons, des liens, des réseaux, des choses invisibles qui agissent parmi nous et dont nous ne comprenons rien."

Voilà. Parfois, on tire des fils, et on ne peut faire que ça, pour tenter de voir le ficelage du noeud, et même, même ... même qu'on ne voit pas grand chose dans le chaos et tout ce noir autour et qu'une embellie a entrebaillé la fenêtre.

 

16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 19:22


J'écoute France Culture dans la voiture.
Les infos et les émissions diverses ne sont pas avariées. Elles interrogent le monde, si vaste, si complexe, si tourmenté, avec intelligence.














- C'est quoi interroger le monde, hein ?

- C'est peut-être un regard. Se trouver à un carrefour, dans une grande ville, tu vois. Ce serait dans une grande ville.
La voiture avance, de plus en plus lentement et s'arrête.
Elle ne cale pas. Non, elle s'arrête seulement, le moteur au ralenti, tournant sur son axe, une langue dans la bouche, c'est pareil, tu sais. 
Ton regard est alors un observateur de l'espace, un scrutateur du temps, un chercheur d'ombres, l'ombre de l'ombre dans les interlignages des routes en croix, pour que surgissent les questionnements, les hypothèses, les choix possibles, quelques pistes de réponse.
La voiture dérapera sur le sable blanc des trottoirs, s'inventant des dunes d'escalades improbables, prendra ses roues dans les glissières de sécurité, coulera ses tonneaux, des coulis de vagues et d'écume à la verticale des essuie-glaces, les vitres ébréchées.
Alors... s'immobiliser dans sa ferraille.

Puis, être sûre de cela, France Culture dans la voiture, personnifier les choses et chosifier les personnes ne tiendra jamais la route...