"L'oiseau sauvage nous épiait, nous
qui étions deux à reconsidérer
inertes, le chemin parcouru dans la chair.
Les villes intérieures, les bagages ficelés,
le manque de mouvement, simplement
l'idéale stupeur d'aller en reconnaissance
au fond, au tréfonds, sans qu'il fût
question d 'agonie, de perte ou de noirceur
inutile.
Je procédai aux derniers préparatifs sous
l’œil fixe de l'oiseau noir
qui vole et qui fixe, conscience exilée
toujours égale à ce que nous projetions d'être"
On avance doucement au long des mots de Fabrice Farre.
On est sur un seuil, on sait tout de suite qu'on sera attentif aux bruits et aux silences, aux objets, aux insectes, aux espaces. L'écriture nous y enjoint.
On écoutera"un éclat de voix cet après-midi dur à travers la haute fenêtre pauvre", le regard en éveil d'un geste, d'une ombre, de la présence, une femme sous les mots avec son désarroi dans la chambre, des temps fondus dans le recueil, au puits des jours.
On deviendra nous aussi guetteur et chasseur , ou bien pourchasseur, -sauveur on voudrait bien-, de toutes les ténèbres revenues -de quel puits ? On voudra les jeter dehors.
"Le chasseur immobile", un très beau texte !
"je n'entends plus grincer
la poulie sur le puits ni rouler
la corde au creux des jours gémellaires
de cette fin d'été.
Il ne reste donc que deux secondes :
l'une où nos mots nous gardaient
tout comme l'ombre sur l'eau,
l'autre dont le seau vide est remonté
avec l'expression de nos visages surpris en son fond."
"Regarde ces bougie, nous aussi
nous sommes de cire, dans les musées,
devant le jour qui montre
que vivre est un anniversaire,
mourir une flamme de ces bougies
que l'on vient d'allumer."
"Il s'agit toujours d'éviter même mentalement le goufre : cette terre qui s'absente et se ferme dans le noir insomniaque qui nous est commun. Il nous révèle quelquefois comme de grands marcheurs et cette continuité inquiète nous rend passeurs aguerris de la perte mais toujours attentifs au bond qui mesure la profondeur du précipice et celle de notre insolence."
Fabrice Farre écrit dans de nombreuses revues et dans son propre espace, son blog : "Poésie contemporaine...peut-être" http://biendesmotsencore.blogspot.fr/
"Le chasseur immobile" est édité par Le Citron Gare
contact : p.maltaverne@orange.fr
Sophie Brassart accompagne avec talent le recueil de Fabrice Farre par ses très belles encres, esquisses de corps penchés, puis là, un visage flottant, ou un regard perdu, comme agrandi...